
En cette année de célébration du surréalisme, un ouvrage peut retenir particulièrement l’attention des amateurs d’Arts premiers : le Carnet de voyage chez les indiens Hopi d’André Breton, publié cet automne par les éditions Hermann.
Ce bref texte était déjà disponible dans l’édition Pléiade des Oeuvres complètes d’André Breton mais pour la première fois il fait l’objet d’une édition scientifique vraiment spécialisée. Un premier volume reproduit in extenso le carnet en fac-similé. Un second volume le transcrit et l’enrichit d’un remarquable appareil critique. Peter Whiteley, conservateur au Museum d’Histoire Naturelle de New York, plante le décor dans une préface très synthétique. Marie Mauzé, anthropologue qui travaille sur les sociétés d’Amérique du Nord, relate les circonstances de ce court voyage fait en 1945 et annote le texte avec une grande minutie. Fabrice Flahutez, historien de l’art, livre un intéressant essai sur l’indianité et le surréalisme. Un certain nombre de photographies illustre l’ouvrage.
La lecture de l’ensemble donne une vision renouvelée des vertus, – et des limites de l’enthousiasme de Breton pour les cérémonies et les kachinas des Hopis. « Touriste comme les autres », Breton « n’a pas manifesté d’intérêt particulier pour engager un dialogue avec ses semblables, les Hopi ». Amateur de kachinas, il a surtout acheté des « pièces de facture récente », voire des « objets-souvenirs » ou des « copies ». Si Breton essaie de tracer un parallèle entre les sociétés indiennes et le fourierisme, l’indianité fut pour lui d’abord et surtout élan, onirisme, poésie, une « résonance avec sa propre conception de l’art ». Elle n’en a pas moins marqué le surréalisme.
« Breton ne prêtait aucune valeur à la soi-disante authenticité, seule comptait pour lui la rencontre avec un objet, fruit du hasard et source d’une forte charge émotive ». Une démarche à méditer pour beaucoup de collectionneurs ?
Denis Bruckmann
André Breton, Carnet de voyage chez les indiens Hopi, Hermann, 2024, 22 euros.
