Mémoire Moba, par Pierre Amrouche

Hommage émouvant à un Art méconnu

Mémoire, un joli mot peu commun dans les titres de la littérature spécialisée, le mot d’un poète qui trouve sa justesse tout au long de l’ouvrage.

Mémoire Moba, c’est d’abord la recherche du temps perdu de l’Auteur, le temps de l’aventure, de la découverte, au nord du Togo, du pays profond de sa troisième patrie. Carnets de voyage, notes de style, photos d’époque, portraits, nous font partager les émotions de Pierre Amrouche depuis 1991. Et les nombreuses photos de statues, certaines d’un grand âge, en sont le réceptacle.

Mémoire Moba, c’est avant tout le sanctuaire de toute la connaissance disponible de la culture Moba, avant qu’elle ne s’effiloche et s’évanouisse dans le tourbillon de la modernité.

La modernité est d’ailleurs le viatique de la sculpture Moba : il est temps que critiques et amateurs la découvrent, alors qu’ils portaient peu d’attention à un art éloigné du maniérisme. Sandra Agbessi, qui signe l’avant-propos, fait justement le rapport avec Brancusi : « less is more » rappelle-t-elle. On peut aussi parler d’Art brut, d’Art minimal. Amrouche ajoute la référence à Giacometti, le citant : « une sculpture n’est pas un objet, c’est une interrogation…elle ne peut être ni finie, ni parfaite ».  Quelle ampleur sur la flèche du Temps, de cet art qui évoque les merveilles synthétiques de la sculpture préhistorique ! Voilà la permanence d’un véritable Art Premier.

La sculpture Moba profite d’ailleurs de l’érosion sublime du temps qui magnifie les statues photographiées par Pierre Amrouche, en particulier pour son catalogue de l’exposition de 1990 dans sa galerie.

Pour nourrir le testament, il retrouve les traces de ses prédécesseurs en Pays Moba, Léo Frobenius en 1908, l’Abbé Sournin en 1947 ont porté sur la culture Moba un regard d’ethnologues, sans remarquer la puissance expressive des statues (des formes brutes qui jonchent le sol, selon Frobenius). Il a fallu attendre la thèse de Christine Mullen Kreamer, en 1985, alors conservatrice du High Museum of Art in Atlanta, pour qu’une intéressante analyse des styles et des fonctions rituelles soit offerte au public. Avant les années 80, il n’y avait pas de photos publiées dans la littérature !

Mémoire Moba, par définition, est riche d’informations à découvrir. Et en prime, d’une plongée sensible dans ce peuple, que nous offre Pierre le photographe.

Yves Créhalet

Mémoire Moba, Pierre Amrouche, Cinq continents éditions, 2024, 40 euros

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