Comme on le sait, Dakar est une des capitales les plus vibrantes de l’art contemporain africain. Maison de Ousmane Sow et Village des Arts (une sorte de friche industrielle animée par des artistes émergents) donnent un bon aperçu de sa vitalité. Mais qu’en est-il de l’art africain traditionnel ? L’amateur de ce type d’objets y trouve tout de même son compte…
Le célèbre musée de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN), connu aussi comme le musée Théodore Monod, avait laissé des souvenirs émus dans la mémoire de nombre de collectionneurs européens. Il est malheureusement devenu un peu fantômatique. Dans un superbe bâtiment colonial des années 30, les modernisations successives ont réduit la place pour les objets traditionnels sans modifier la muséographie plutôt désuète. Il y a peu l’art traditionnel occupait encore les deux étages du bâtiment, mais, désormais, le premier niveau est dédié à des expositions temporaires (le plus souvent) de photographies, dont l’origine semble être fréquemment… le musée du Quai Branly. On nous assure qu’une partie des collections est présentée par rotation au Musée des civilisations noires.



Ill : l’IFAN et une de ses statues Lobi.
Le superbe Musée des civilisations noires dont on doit l’origine à Léopold Sédar Senghor, est un très vaste bâtiment inauguré en 2018, dont la construction, payée par la Chine, a coûté quelque 30 millions d’euros. C’est un musée moderne auquel on peut prédire un grand avenir, à l’échelle du continent. L’art africain traditionnel n’y occupe cependant que deux (et parfois trois) salles, hors Biennale de Dakar. On y voit de belles pièces, venues de toute l’Afrique, dans une approche moins « esthétisante » que dans les galeries européennes. Les autres espaces du Musée sont mis au service de l’urgente réflexion sociale sur l’Afrique du passé et du présent et sur la civilisation noire : histoire de l’esclavage, de la colonisation, question de la démocratie, de la mémoire, du racisme, de la place des femmes, et bien sûr, des restitutions… L’esplanade du musée présente un bel exemple des nombreux cercles mégalithiques de la Casamance orientale, qu’il est assez compliqué d’aller voir sur place. Edifiés entre 700 et 1400 après JC, ils enracinent les cultures noires et la modernité du Musée dans la profondeur du temps.




Ill : Musée des civilisations noires, Mégalithes de Sénégambie, un masque Igbo et son costume (Nigéria), un spectaculaire Bocio Fon (Bénin) de 70 cm
Du côté des galeries, l’impression est également contrastée : la célèbre galerie Anthéna, du couple Marthe et Claude Everlé est fermée depuis plusieurs années. Il semble que leur collection ait servi à créer un intéressant musée de 2 000 pièces, le musée Origines, qui détient un pavillon dans le vaste Musée de la Photographie, à Saint Louis. La galerie Adam qui défend art premier comme art contemporain présente quelques pièces spectaculaires.
En face de Dakar, sur l’île de N’gor, se trouve la symphonie des Arts, où on peut voir la collection inégale de Michel Montesinos (environ 2 000 pièces de tous les continents dont nombre de pièces sont en vente).
Le mordu d’art africain peut compléter ses visites par des boutiques spécialisées et des marchés, plus ou moins touristiques, dont celui de Sandaga ou de Kermel, qui présentent, en vrac, énormément de copies de toutes origines, et quelques pièces qui paraissent plus « anciennes » ou plus « authentiques ». Les vendeurs insistent beaucoup sur des pièces réputées Dogon, Baoulé, Sénoufo, Dan… quand ce n’est pas sur les innombrables figures (dites) en ébène qui fleurent bon l’imagerie des années 50…
Ici et là, à Dakar, comme dans les boutiques des petites villes, on peut voir mise en œuvre la méthode la plus simple pour rendre anciennes les pièces de façon accélérée : le stockage en plein air aux abords des magasins !


Toutes ill. DB
Denis Bruckmann
