« Enormément bizarre », la collection Jean Chatelus au Centre Pompidou

En ce moment, à Paris, l’exposition d’arts premiers la plus étonnante n’est pas… une exposition d’arts premiers… ! Le Centre Pompidou présente la collection Jean Chatelus, qui avait confié sa collection à la Fondation Antoine de Galbert. Celle-ci a décidé à son tour de l’offrir au Centre Pompidou… pour qu’elle entre dans les collections nationales. « Enormément bizarre », c’est l’expression utilisée par l’artiste Wim Delvoye, en découvrant la collection de Jean Chatelus.

Né en 1939 et mort en 2021, Jean Chatelus est un historien, professeur à la Sorbonne, passionné d’art contemporain, mais aussi d’art populaire et d’arts extra-occidentaux, qui a mis tous ses moyens – assez modestes, comme le sont ceux des professeurs… – au service de la constitution d’une collection de plus 500 pièces, dont il remplissait son appartement, constituant un des plus étonnants cabinets de curiosités du 20e siècle.

Son goût, son »nez » de passionné lui ont fait souvent mettre la main sur des œuvres d’artistes en devenir qui n’avaient pas encore atteint une notoriété importante et des prix inaccessibles. Un bon exemple est celui de Cindy Sherman, la grande photographe américaine.

Affiche de l’exposition source Centre Pompidou

On ne détaillera pas plus avant la composition de l’exposition, très intéressante et extraordinairement composite, pour se limiter à l’art que Chatelus qualifiait de « primitif »… Les origines sont majoritairement africaines et océaniennes (avec une prédilection pour la Papouasie), complétées par quelques pièces précolombiennes ou népalaises. Chatelus est visiblement fasciné par les pièces puissantes, magiques, mais aussi très formelles, abstraites. Le regard se promène entre le fétiche à la patine la plus croûteuse, et la non figuration la plus pure. La plupart des pièces apparaissent de très grande qualité, souvent différentes des modèles bien connus des catalogues. On est frappé par la particularité et la modernité du regard et des choix : Bambara, Moba, Dagari, Ibibio, Chamba, Lobi, … l’art primitif rejoint magnifiquement l’art contemporain d’une époque troublée.

« Salle à manger » (source Centre Pompidou)

L’exposition reconstitue plus ou moins l’appartement de Jean Chatelus. Si le visiteur éprouve beaucoup de plaisir à contempler les accumulations d’oeuvres et d’objets, dans leur « jus », il n’en éprouve pas moins une certaine frustration car il n’est pas possible de s’approcher des masques ou des statuettes. Ils ne sont pas non plus tous reproduits dans le catalogue, pourtant superbe. Celui-ci ne consacre d’ailleurs que peu de place au goût de Chatelus pour les arts premiers, qu’on aurait aimé largement plus documenté. Dommage !

On donne ici quelques images mais la collection « primitive » de Chatelus mériterait qu’un jour, on lui consacre un vrai inventaire illustré, à la façon du « mur » d’André Breton.

Denis Bruckmann

Sur une « cheminée », une grande figure funéraire Chancay du 13è siècle, entourée d’une statue Moba et d’un Bocio Fon (photo DB)

Un masque de Nouvelle Bretagne, Papouasie-Nouvelle Guinée (photo catalogue)

Une succession de masques africains (dont bcp de masques du Mali), au plafond un masque Tapa de Nouvelle Bretagne, Papouasie Nouvelle Guinée (photo DB)

Un couple de fétiches Chamba (Nigéria) (photo catalogue)

Enormément bizarre, au Centre Pompidou, jusqu’au 30 juin 2025.

Catalogue co-signé par la Fondation Antoine de Galbert et par le Centre Pompidou, éditions Empire, 2025, 49 euros.

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