N’oublions pas Lomé, n’oublions pas le Togo !

Bien peu de marchands ou de collectionneurs d’art africain vous incitent à aller au Togo. Lomé, c’est fini. La période des grands découvreurs, comme Pierre Amrouche, est derrière nous et, comme disent certains, les plus belles pièces sont « sorties ». Un regard superficiel peut leur donner raison. Le Togo ne semble plus ce qu’il était. Visa pour entrer dans le pays, visa pour en sortir, vols aériens moins fréquents, économie qui ne paraît pas au mieux de sa forme, sécurité moins garantie, les touristes paraissent avoir déserté Lomé. Sur place, tout le monde évoque la période bénie (avant les années 2000) où le Togo voyait affluer italiens, allemands, français, néerlandais, suisses… dans de nombreux hôtels de luxe. Aujourd’hui, on peut passer plusieurs jours à Lomé sans voir plus de quelques européens, et guère plus d’asiatiques, essentiellement chinois.
Pourtant, le Togo a encore des atouts pour les amateurs d’Arts premiers.

Bien que déplacé, et un peu dépenaillé, le fameux marché aux fétiches d’Akodésséwa reste une attraction spectaculaire. Les cabanes des féticheurs et guérisseurs ne sont guère fréquentées mais côté pharmacopée, on trouve toujours lézards séchés, têtes de singes, de chats ou de chiens, os et crânes divers servant à préparer les mixtures ainsi que talismans, amulettes et pierres de tonnerre… Vues (et odorats !) sensibles s’abstenir !

Le Musée International d’Art d’Afrique (anciennement du Golfe de Guinée) vaut une visite attentive. Fondé en 1977, par René David et repris en 2012 par un musicien de nationalité chinoise, M. Ching Heng Cheng, il propose quelques salles où s’entassent des pièces de toute l’Afrique, très succinctement légendées. Beaucoup des pièces Nok qui ont fait sa réputation n’y sont plus présentes. On peut toujours y voir cependant quelques pièces étonnantes (dont certaines sont données pour très anciennes) et un remarquable ensemble de bijoux Ashanti.

Une des 5 salles du musée, qui presente aussi des pièces en plein air

Un étonnant masque de danse Tiv (Nigéria) réversible. Il se porte en cimier, mais si on porte le masque de la partie supérieure sur le visage, la partie inférieure devient une sorte de coupelle.

Une Terre cuite Sotoko (Nigéria), donnée pour être du 10è siècle

Grande figure Igbo (Nigéria). Le récipient dans les mains servirait à conserver les bijoux de la reine.

Un grand masque Dyè de Côte d’ivoire donné pour être du 19è siècle

Une atypique et grande figure Losso (Togo)

Quelques galeries comme Art Negra, animée par Joël Mensah-Schneider (qui vit en France mais propose plusieurs lieux à Lomé), Oussmane, ou encore Loft sont solides et proposent des pièces très intéressantes à des prix malheureusement assez parisiens. Et puis il y a les myriades de boutiques de statues et de masques du centre ville. Si le Grand Marché est aujourd’hui tout à fait dispensable, il n’en va pas de même du « marché du Golfe » (près de l’hôtel du Golfe et surtout dans l’ancien hôtel du Golfe, un superbe bâtiment des années 50 pas loin de la ruine). Beaucoup de copies, bien sûr, ou de production artisanale qu’on peut dire maladroite mais aussi, ici et là, des pièces visiblement anciennes et authentiques, par exemple chez Mario Bida Osseni.
Il ne faut certes pas aller au Togo pour acheter des masques Punu, des maternités Baule, ou des figures d’ancêtres Dogon souvent très médiocres. En revanche les personnes intéressées par les cultures locales ou proches (Ewe, Moba, Losso, Lamba, Tchamba, Kussasi, Lobi, Aja, Tem et quelques autres…) ainsi que par le vaudou y trouveront de quoi s’éblouir. Il faut signaler également la rénovation du Palais de Lomé, désormais orienté vers l’art contemporain, et de nombreuses galeries qui promeuvent des artistes d’Afrique de l’Ouest.

Une grande figure Moba (Burkina Faso), environ 160 cm de hauteur, de la Galerie Loft

Un Masque Afikpo (Igbo, Nigéria) de la galerie Oussmane

Une autre Moba, massive et érodée, environ 80 cm, de la galerie Art Negra

N’oublions pas Lomé, n’oublions pas le Togo. La désertion des touristes fait que les visiteurs étrangers sont très sollicités et qu’on négocie les prix dans de bien meilleures conditions que par le passé…. D’ailleurs, les quelques marchands européens d’Arts premiers qui font encore, plus ou moins discrètement, des voyages en Afrique, ne s’y trompent pas. Un galeriste de Lomé nous a annoncé la venue juste après notre passage d’un grand marchand parisien dont nous tairons le nom…

La relative désaffection actuelle pour le Togo est une aubaine pour les marchands et pour les collectionneurs, dont certains savent profiter…

Denis Bruckmann

A toutes fins utiles, les lecteurs qui pourraient être intéressés par un voyage à Lomé ou au Togo peuvent prendre contact sous dbdetours@orange.fr

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