
Le 14 novembre dernier, a eu lieu au Salon Jacques Kerchache du Musée Branly – Jacques Chirac une rencontre autour des directeurs de l’entièrement nouvelle édition des Arts africains, Yaëlle Biro et Constantin Pétridis, qui ont répondu aux questions de Gwenael Ben Aïssa (à droite sur la photo), chargée de l’édition chez Citadelles et Mazenod.
Assez naturellement, la présentation s’est faite par rapprochements, contrastes, différences profondes avec « le » Kerchache, Paudrat et Stéphan, publié pour la première fois en 1988, et remis à jour depuis, qui figure dans toutes les bibliothèques d’amateur d’art africain qui se respecte.
La présentation fut claire, et convaincante. La première différence est riche de sens : à l’Art africain de Kerchache, la nouvelle édition, fruit de plus de quatre années de travail, et de la contribution d’une bonne quinzaine d’auteurs de tous horizons et de plusieurs générations, oppose un pluriel, les Arts africains qui témoignent d’une reconnaissance plus grande de la diversité de ces arts mais aussi de ce continent.
A la vision très « plastique » du Kerchache, la nouvelle édition oppose une vision plutôt réunifiée avec l’anthropologie. Elle est sous-titrée Histoire et dynamique, pour montrer un meilleur ancrage dans l’historicité et les fortes évolutions récentes. Elle s’ouvre à tous les types de créations (alors que le Kerchache mettait fortement l’accent sur la statuaire et les masques). Elle inclut l’art contemporain, plutôt de filiation avec la tradition. Elle essaie également de faire une histoire de la vision des arts africains, dans une auto-réflexivité, maintes fois évoquée au cours de la rencontre.
L’iconographie est aussi marquée par une grande évolution : plus de mille photos dans le Kerchache (dont beaucoup en noir et blanc), environ 500 dans le Biro-Petridis, mais en couleurs, en plus grand format, et de bien meilleure qualité, pour donner une approche plus juste de la matérialité des objets, une question-clef pour Yaëlle Biro.
Enfin, cette refonte totale ne fait pas l’impasse sur beaucoup de questions complexes et parfois délicates : les « zone de contact » et la colonisation, le statut de l’artiste et de l’artisan, l’individuation de la création et la communauté, la place de la recherche africaine sur l’art africain, les questions épistémologiques d’art et d’usages sociaux, l’application des grandes catégories philosophiques ou esthétiques occidentales sur un art qui les méconnaît, …
Avec une belle modestie, Yaëlle Biro et Constantin Pétridis ont affirmé être très conscients des limites de l’exercice et ont donné leur ouvrage comme un work in progress, un ouvrage de transition, voué à être récrit « dans vingt ans » (sic) dans une réinterprétation permanente de cet art fondamental dans l’histoire de l’humanité.
Un dernier mot : cette nouvelle édition n’est malheureusement pas à la portée de toutes les bourses : 215 euros… Ce n’est pas une surprise avec Citadelles et Mazenod… Il faudra sans doute attendre une grande occasion, (anniversaire, Noël, ou autre fête) pour se le voir offrir… Le mot est à faire passer à vos familles…
Denis Bruckmann
On trouvera ici le document de presse sur Les Arts africains
